Sommaire:
- introduction.
- urétérostomies cutanées non
continentes:
. urétérostomie
cutanée directe.
. urétérostomie
cutanée trans-iléale (Bricker)
- urétérostomies cutanées continentes.
- dérivations internes: urétéro-sigmoïdostomie.
- entérocystoplastie de remplacement.
Certaines pathologies pelviennes, essentiellement tumorales, imposent parfois une dérivation urinaire, souvent associée à une cystectomie totale.
Dans certains cas il sera possible de rétablir la continuité urinaire en réalisant une entérocystoplastie de remplacement. Un segment intestinal est alors prélevé et utilisé afin de reconstituer un néo-réservoir vésical dans lequel seront implantés les uretères, et anastomosé à l’urètre membraneux.
Dans les autres cas, il sera nécessaire de dériver les urines à la peau. Ces dérivations cutanées (encore appelées urostomies), intéressent donc les uretères et peuvent être directes ou indirectes à travers un segment digestif, le plus souvent iléal. Dans ce dernier cas on parlera d'urétérostomie cutanée trans-iléale qui peut elle-même être incontinence (écoulement permanent des urines dans la poche de recueil dont le type est l'intervention de Bricker) ou plus rarement car techniquement plus délicate, continente (écoulement des urines dans un réservoir interne, lui-même vidé par des sondages réguliers, dont le type est la poche de Kock).
La confection d’une dérivation urinaire cutanée doit répondre aux objectifs suivants : créer un dispositif confortable,
Le choix entre ces différentes techniques est également conditionné par l'âge du patient, son état général, ses antécédents abdomino-pelviens (radiothérapie notamment), la pathologie causale, l'expérience de l'opérateur, mais également les conditions socio-économiques du patient, les matériels d’appareillage ayant un coût à long terme élevé et n’étant pas toujours facilement disponibles selon les pays.
URETEROSTOMIES CUTANEES NON CONTINENTES :
L'urétérostomie cutanée directe consiste à aboucher chacun des uretères à la peau.
C’est la technique la plus simple et la plus rapide à réaliser, ne nécessitant pas d’ouverture du péritoine, minimisant ainsi les risques d’occlusions post-opératoires. Elle sera plus volontiers réalisée chez des patients en mauvais état général, chez lesquels une dérivation demeure toutefois nécessaire.
Ce type de dérivation impose l'intubation de chacun des uretères par une sonde dite d'urétérostomie, sonde changée ensuite toutes les 6 à 8 semaines. La sonde est maintenue en place par un fil de coton lui même maintenu par la poche collée. Ces sondes sont rendues nécessaires du fait de l'absence de rigidité de la paroi urétérale qui doit traverser la paroi abdominale, constituée de plusieurs couches musculaires et aponévrotiques, glissant les unes sur les autres lors des mouvements du tronc. Le calibre des sondes doit être suffisamment large pour éviter les phénomènes d’obstruction entre les changements programmés.
L'écoulement des urines se fait en continu dans la ou les poches de recueil collées sur la paroi de l'abdomen. Ces poches munies d'un robinet à leur partie déclive sont vidées dans les toilettes régulièrement une fois pleine. L'appareillage est en général constitué d'un support plus ou moins rigide, collé à la peau autour de l'orifice de la stomie, sur lequel vient s'appliquer la poche de recueil des urines.
Les complications sont représentés par : le déplacement des sondes d'urétérostomies, leur obstruction (arrêt du remplissage de la poche de recueil), une infection rénale souvent associée à l'obstruction (le remplacement urgent de la sonde est indispensable associé à un traitement antibiotique).
L'urétérostomie cutanée transiléale non continente (Bricker) consiste à prélever un court segment intestinal (en général la dernière anse iléale) qui sert de vecteur et non de réservoir pour les urines. A l'une des extrémités de ce segment d'intestin seront implantés les uretères et l'autre extrémité sera abouchée à la peau. C'est un système à basse pression, l'écoulement des urines s'effectuant sans obstacle ni résistance.
Cette technique plus longue à réaliser, comporte un risque supplémentaire lié à l'ouverture du péritoine et au temps digestif (risque d’occlusion, de fistule digestive post-opératoire) mais permet de n'imposer qu'un seul orifice cutané sans nécessité de maintenir de sonde ou matériel étranger permanent car l'orifice de la stomie est plus large que pour une urétérostomie.
Dans les suites post-opératoires immédiates, une sonde gastrique est mise en place lors de l'intervention jusqu'à la reprise du transit intestinal (en général dans les 2 à 4 jours suivants). Cette sonde permet de protéger la suture intestinale permettant de rétablir la continuité digestive une fois le segment de grêle prélevé pour réaliser le Bricker. De plus chacune des sutures entre l'uretère et de segment intestinal sera protégée par une sonde urétérale qui remonte dans le rein et est extériorisé par la stomie. Les urines vont donc empreinter ces sondes ce qui évite la survenue de fuites au niveau des sutures jusqu'à une cicatrisation minimum. Ces sondes seront enlevées 10 à 15 jours après l'intervention.
L’écoulement des urines se fait de façon permanente ; la stomie doit donc être également appareillée par une poche collée sur la paroi abdominale. Les urines passent par le segment intestinal et peuvent donc contenir du mucus naturellement sécrété par le greffon iléal, même si celui-ci a été exclu du circuit intestinal.
Les complications de ce type de dérivation sont représentées par les risques de fistule digestive, d'occlusion post-opératoire, de fistule urinaire, de rétrécissement au niveau de l'implantation des uretères sur le greffon intestinal, le risque d'éventration de la stomie.
URETEROSTOMIES CUTANEES CONTINENTES
A côté de ces deux techniques de dérivations non continentes, il a été proposé des techniques permettant de reconstituer un réservoir et réaliser une stomie continente, le réservoir étanche étant vidé régulièrement par auto-sondages par le patient lui-même. Le principe consiste à prélever un segment intestinal en général iléal, plus long, et le modeler en détubulant l'anse prélevée.
Ce procédé consiste à inciser sur toute sa longueur, sur le bord opposé à l’insertion du mésentère, l’anse intestinale prélevée. La plaque intestinale ainsi obtenue est ensuite modelée de telle sorte qu'elle forme un réservoir oblongue ou sphérique à basse pression. En effet, cette méthode permet de supprimer l’effet des contractions péristaltiques du greffon à l’origine parfois de fuites d’urine liées aux pics d’hyperpression qu’elles entraînent. Les fibres musculaires continueront à se contracter mais leur contraction est rendue inefficace par la détubulisation car survient sur un segment limité et non circulaire de la paroi du néo-réservoir.
Dans ce réservoir seront implantés les uretères avec un mécanisme anti-reflux. En effet lors du remplissage, il faut éviter le reflux des urines lorsque le réservoir est plein, dans les reins. Ce réservoir va ensuite être amené à la peau par l'intermédiaire d'une anse efférente sur laquelle est confectionné un mécanisme de continence, le plus souvent par invagination sur elle-même de l’anse intestinale. Cette anse efférente sera abouchée à la peau afin de permettre la réalisation de sondages, propres mais non nécessairement stériles et pluri-quotidiens, du réservoir d'urine ainsi créé.
Ce procédé ne peut être réalisé que chez des patients coopérants, éduqués, en bon état général mais du fait de sa complexité, peut nécessiter des reprises chirurgicales pour mauvais fonctionnement de la valve de continence (sténose, désinvagination donc perte du mécanisme de continence,..). La poche de Kock en est la principale technique. Il existe toutefois de nombreuses variantes de ces techniques de base.
DERIVATION INTERNE : URETERO-SIGMOIDOSTOMIE
Pour éviter la dérivation externe, à la peau, des urines, il a été pratiqué des dérivations urinaires dans le rectum. Le type en est l’intervention de Coffey consistant à implanter les uretères dans le sigmoïde ou le haut rectum. Les complications infectieuses rénales liées au possible reflux colo-urétéral de liquide septique, métaboliques ou de dégénérescence sur la réimplantation urétéro-rectale les ont rendues beaucoup plus rarement proposées. De plus elles supposent un appareil sphinctérien anal normal, dont la compétence doit bien être vérifiée avant ce type d’intervention (test au lavement par exemple).
ENTEROCYSTOPLASTIES DE REMPLACEMENT
La mise au point et l'amélioration des techniques de remplacement de vessie chez l'homme et depuis peu maintenant envisagée chez la femme, ont rendu le recours aux dérivations cutanées ou dans le colon moins fréquent. Ces remplacements vésicaux restent toutefois contre-indiqués lorsqu’il existe une atteinte du col ou de l’urètre sous-cervical, ou chez des patients dont l’état général ne permet pas une intervention relativement lourde. De nombreuses techniques de remplacement vésical ont été décrites et sont pratiquées : je citerais essentiellement l’entérocystoplastie type Camey 2, ou type Hautman. Leur principe est de confectionner avec un segment intestinal, un réservoir à basse pression en détubulisant le greffon intestinal. Dans ce réservoir seront implantés les uretères en utilisant un procédé anti-reflux et l’entérocystoplastie sera ensuite anastomosée à l’urètre.
Ce type d'intervention nécessite habituellement une hospitalisation de l'ordre de 3 semaines. En fin d'intervention, outre une ou deux voies d'abords intra-veineuses, le patient ressort de la salle d'opération avec une sonde gastrique jusqu'à la reprise du transit intestinal, une sonde vésicale qui draine la néo-vessie et protège la suture entre celle-ci et l'urètre, des sondes urétérales qui ressortent à travers la peau et drainent les urines des reins, protégeant les sutures entre chacun des uretères et la néo-vessie et enfin en général un drain aspiratif de chaque côté (drain de Redon).
Il est important d'avoir au préalable repéré d'éventuels sites d'implantation pour une dérivation cutanée. En effet pour des raisons anatomiques, anesthésiques ou carcinologiques il est parfois nécessaire en cours d'intervention de renoncer à la réalisation d'un remplacement de vessie et faire alors une dérivation cutanée.
La sensation de besoin n'existe plus après une entérocystoplastie. Il est donc indispensable de bien expliquer aux patients la nécessité de vider régulièrement leur néo-vessie. En effet en l'absence de sensation de besoin (parfois remplacée par une sensation de "plénitude" pelvienne), le réservoir néo-vésical peut progressivement se distendre et voire sa capacité augmenter anormalement par distension progressive. La vidange se fait en s'aidant par une poussée abdominale et avec une bonne décontraction périnale.
La
réalisation d'une entérocystoplastie expose à certaines
complications:
- digestives: occlusions post-opératoires, fistule digestive, urinaire.
- sténoses des réimplantations urétérales dans le
néo-réservoir vésical.
- incontinence urinaire: elle est le plus souvent régressive dans la
journée, mais peut persister la nuit. Elle oblige alors le patient à
devoir se lever à intervalles réguliers pour vider son réservoir
vésical.
- impuissance: complication fréquente après une cystectomie, elle
nécessitera selon les cas une prise en charge psychologique et pharmacologique
(auto-injection intra-cerverneuse, sildénafil,..).
- rétention par accumulation de mucus: le réservoir vésical
étant constitué de paroi intestinale, celle-ci sécrète
du mucus qui est éliminé avec les urines. Celles-ci contiennent
donc des filaments ou particules floconneuses éliminées lors de
la miction. Pour éviter leur accumulation et donc le risque qu'elles
obstruent l'urètre, il est important de maintenir une diurèse
et donc un apport de boisson suffisant pour permettre leur élimination
régulièrement.
- troubles métaboliques: le contact des urines sur la paroi du réservoir
vésical, formé par une muqueuse intestinale, va entraîner
des phénomènes de réabsorption de certains constituants
de l'urine qui peuvent à moyen terme aboutir à des désordres
métaboliques (acidose métabolique). Leur prévention consistera
en l'absorption régulière d'eau de Vichy qui permet une alcalinisation
des urines et limites ce phénomène, et en une bonne éducation
des patients afin de limiter le temps de contact des urines avec la muqueuse
néo-vésicale en vidant bien régulièrement leur réservoir
et en évitant sa distension progressive.
CONCLUSION
Après cystectomie, plusieurs types de dérivations peuvent être proposées. Si l’entérocystoplastie permet d’éviter une dérivation externe en rétablissant la continuité urinaire et en reproduisant un fonctionnement du réservoir reconstitué proche de celui de la vessie, cette solution reste parfois impossible ou trop lourde chez certains patients et le recours à une dérivation externe cutanée est alors nécessaire.
Les différentes techniques disponibles doivent donc être discutées avec le patient ou la patiente en collaboration étroite avec la stomathérapeute, infirmière spécialisée en stomies (urinaires ou digestives), dont le rôle pré et post-opératoire est très important.
Docteur B. d'ACREMONT - Mise à jour 7 février 2010