PROSTATECTOMIE RADICALE PAR COELIOSCOPIE POUR CANCER DE LA PROSTATE

SOMMAIRE

Méthodes de traitement du cancer de la prostate
Prostatectomie: préparation et protocole opératoire
Suites opératoires
Complications
Fiche dinformation patient
 

METHODES DE TRAITEMENT DU CANCER DE LA PROSTATE

    Vous devez être opéré d’un cancer de la prostate en effectuant une prostatectomie radicale. Il s’agit d’une méthode de traitement dont le but est d’enlever toute la prostate et donc la tumeur qu’elle contient. L’ablation de la prostate emporte également les vésicules séminales, deux glandes situées en haut et en arrière de la prostate elle-même. Cette ablation peut se faire par une incision sur la paroi de l’abdomen ou par coelioscopie. Cette intervention est à mettre en parallèle à la radiothérapie prostatique dont le but est le même à savoir détruire la tumeur prostatique. La radiothérapie peut être externe (plusieurs faisceau de rayons vont converger sur la prostate sans aucun geste invasif), interstitielle (plusieurs grains d'iode ou d'or radioactifs sont implantés directement dans la prostate, on parle alors également de curiethérapie ou brachythérapie). Chez des patients ayant un cancer de la prostate cliniquement localisé à faible ou très faible risque de progression, il est possible de proposer, chez des patients bien informés et demandeurs, une surveillance dite active. Contrairement à l’abstention-surveillance, la surveillance active est une option thérapeutique curative qui retarde l’éventuel moment du traitement en minimisant le risque de devoir traiter une maladie devenue alors localement dépassée.

    Il n’est pas possible de dire actuellement de façon statistiquement fiable que l’une est supérieure à l’autre de façon de façon irréfutable sur ce point mais il semble que devant une tumeur localisée, moyennement ou mal différencié chez un homme de plus de 10 ans d’espérance de vie, la prostatectomie donne les meilleurs résultats en terme de survie spécifique (ANAES 2001).

    A côté de ces méthodes dites curatrices, dont l’objectif est de supprimer la tumeur et donc de guérir définitivement, il existe en matière de cancer de prostate d’autres traitements possibles.

    Le premier est l’abstention-surveillance. En effet il s’agit en général de tumeurs à évolution lente et selon leur âge de découverte, l’état général du patient et la taille de la tumeur il peut être plus raisonnable de décider une simple surveillance pour ne pas risquer les effets indésirables de tout traitement pour un bénéfice en terme d’espérance de vie ou de confort de vie très faible chez des patients dont l'espérance de vie est de moins de 10 ans approximativement. Cette attitude est donc celle généralement préconisée chez des hommes âgés ou parfois si une pathologie associée contre-indique un traitement radical.

    Le second traitement est un traitement hormonal ou plus exactement anti-hormonal. Il utilise la dépendance habituelle des cellules prostatiques et en particulier tumorales à l’hormone mâle (testostérone) sécrétée par les testicules sous l’action de médiateurs eux mêmes produits par l’hypophyse. On peut donc par différents moyens bloquer la fabrication de cette hormone (on parle alors de castration qui peut être chirurgicale ou maintenant chimique par des injections mensuelles ou trimestrielles) ou empêcher l’action de celle-ci dans les cellules prostatiques (médicaments anti-androgènes). L’utilisation des hormones féminines, premier traitement du cancer de la prostate ne se fait plus ou que dans des cas très particuliers. Le traitement hormonal ne peut pas détruire définitivement la tumeur. Il nécessite donc d’être maintenu en permanence mais peut parfois être proposé de façon intermittente pour limiter son retentissement sur le plan sexuel notamment. Dans certains cas la tumeur peut soit d’emblée, soit au cours du traitement, devenir résistante à cette thérapeutique et poursuivre son évolution malgré la privation en testostérone induite par celui-ci. On parle alors d’échappement hormonal.

    D'autres méthodes sont actuellement proposées mais restent en cours d'évaluation de leurs résultats à long terme, par exemple l'ABLATHERM® utilisant des ultra-sons focalisés pour détruire la tumeur. Cette technique nécessite le plus souvent la résection endoscopique préalable de l'adénome prostatique du fait des risques importants de rétention dans les suites de la séance. Elle est actuellement plutôt proposée dans les échecs de la radiothérapie comme traitement curateur de rattrapage, ou lors de contre-indications à une chirurgie radicale.

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PROSTATECTOMIE PAR COELIOSCOPIE: PREPARATION ET PROTOCOLE

     La coelioscopie ne modifie pas le principe de l’opération mais la méthode opératoire est différente de celle de la chirurgie classique par une incision entre l’ombilic et le pubis. La coelioscopie consiste à opérer sous anesthésie générale, sous écran vidéo par l’intermédiaire d’une caméra fixée à un optique. Cet optique et les instruments du chirurgien sont amenés au site opératoire après ponction de la paroi abdominale au travers de tubes appelés trocarts. Pour pouvoir travailler, l’opérateur doit gonfler la région ou se situe l’intervention, à l’aide d’un gaz inerte (gaz carbonique : CO2).

      Les avantages de ce type d’intervention sont essentiellement représentés par la simplicité des suites opératoires, la diminution de la durée de convalescence et la réalisation de cicatrices de plus petite taille que par chirurgie conventionnelle.

      Avant l'intervention on vérifiera l'absence d'infection urinaire par une analyse d'urine (ECBU). Une préparation intestinale peut être effectuée par un régime sans résidu mis en route quelques jours avant l'intervention et/ou par un lavement évacuateur le veille. Un rasage de l'abdomen et du pubis est effectué la veille de l'intervention.

      L'intervention se déroule sous anesthésie générale et se fait le plus souvent par la mise en place de 4 à 5 trocarts au niveau de la paroi de l’abdomen entre l'ombilic et le pubis. Parfois d'autres incisions sont possibles.

      Selon les cas, un curage ganglionnaire au niveau iliaque (curage ganglionnaire) est effectué en début d'intervention pour vérifier l'absence d'atteinte métastatique de ces ganglions. En effet s'il existe déjà un envahissement des ganglions par la tumeur, l'intervention n'est habituellement plus justifiée car fait prendre le risque de séquelles liées à la prostatectomie en perdant son intérêt en terme de guérison du cancer de prostate.

      L'intervention consiste ensuite à retirer la prostate et les vésicules séminales, puis à rétablir la continuité entre la vessie et l'urètre par une suture entre les deux. Selon la localisation, l'importance de la tumeur, les difficultés opératoires, il sera possible ou non de préserver les pédicules vasculo-nerveux latéraux, contenant les nerfs érecteurs. Une sonde vésicale est placée pour faciliter la cicatrisation de cette suture et des drains aspiratifs sont laissés habituellement de chaque côté pendant quelques jours.

      Dans certains cas, le geste envisagé n'est pas réalisable par cette voie d'abord du fait par exemple d'adhérences très importantes, ou de part une conformation anatomique particulière, ou enfin devant une mauvaise tolérance respiratoire du gaz insufflé. Il peut alors être nécessaire de convertir c'est à dire transformer l'intervention initialement prévue par laparoscopie, en une intervention classique par une incision abdominale (laparotomie). De même lorsque surviennent pendant l'intervention, certaines complications, en particulier hémorragiques, il peut être parfois impossible ou difficile sans prendre de risque anormal, de réparer la lésion par voie laparoscopique et une conversion peut être nécessaire pour la traiter et terminer l'intervention.

      Le plus souvent, le patient sort de la salle d'opération avec une sonde vésicale sortant par l'urètre, deux drains aspiratifs extériorisés de chaque côté par la paroi du petit bassin, une perfusion au niveau d'un bras.

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SUITES OPERATOIRES

      Comme après toute incision, des douleurs au niveau de la paroi de l'abdomen sont fréquentes pendant les jours suivants l'intervention. Un traitement anti-inflammatoire et antalgique est alors prescrit par voie intra-veineuse initialement, puis per os.

      On peut observer un crépitement sous la peau en passant la main sur la paroi de l'abdomen surtout autour des points de ponction, ou des organes génitaux chez l'homme mais parfois au niveau du thorax plus rarement du cou. Ce crépitement est lié au passage du gaz servant a insuffler l'abdomen lors de l'intervention dans les tissu sous-cutanés, gaz qui sera ensuite résorbé en quelques heures.

      Parfois, la sonde urétrale peut être mal tolérée donnant de fausses envies d'uriner, parfois à l'origine de fuites d'urine le long de la sonde lors des accès douloureux. Cela correspond à des "poussées ou contractions sur sonde". Elles nécessitent de bien vérifier la perméabilité de la sonde qui peut être obstruée. Si la sonde est bien perméable ce qui est la règle, un traitement antispasmodique vésical pourra améliorer ce phénomène qui s'estompe en principe dans les jours suivant l'intervention.

      Le patient est levé dès le lendemain (pour limiter le risque de phlébite, faciliter la reprise du transit,..). La reprise de l'alimentation peut habituellement se faire dès le lendemain et progressivement.

      Les drains aspiratifs seront ôtés dès leur débit faible. Parfois l'écoulement de d'urine ou de lymphe peut persister et devenir abondant. Dans ce cas, le vide peut être retiré du flacon de recueil et le drain mis en débit libre afin de permettre son ablation dès le débit ralenti et pratiquement tarit. Cette ablation peut parfois n'être possible qu'au bout de plusieurs jours, parfois plus d'une semaine.

      La sonde vésicale est retirée entre 6 et 10 jours selon les opérateurs et selon le déroulement de l'intervention et de ses suites immédiates. Parfois une opacification par la sonde en service de radiologie peut être effectuée immédiatement avant son ablation pour s'assurer de l'étanchéité de la suture entre la vessie et l'urètre. A l'ablation de la sonde des fuites parfois importantes sont habituelles mais régresseront le plus souvent en quelques jours ou semaines. Une auto-rééducation sera apprise au patient pour accélérer cette rééducation mais sans être trop précoce afin d'attendre une cicatrisation minimum des sutures.

      Un traitement anticoagulant à dose préventive par injection quotidienne sous-cutanée d'un dérivé de l'héparine est indispensable et sera habituellement poursuivi au retour du patient à son domicile pendant plusieurs jours. Ce traitement peut être complété par des bas de contention veineuse mis en place avant même le début de l'intervention.

      L'ablation des fils et agrafes se fait entre 7 et 10 jours habituellement.

      La sortie est le plus souvent possible entre 7 et 10 jours après l'intervention mais est possible avant cela, le patient quittant le service d'hospitalisation avec sa sonde urinaire en place, sonde qui sera retirée par une infirmière à domicile ou en revenant en consultation. Après la sortie, une période de convalescence est nécessaire, variable selon les suites opératoires, l'âge, mais se situe en général entre 1 à 2 mois. La reprise d'une activité physique sportive ne pourra s'envisager qu'après 2 mois.

      Une surveillance est alors nécessaire pour vérifier la cicatrisation, la récupération des fonctions sphinctériennes et sexuelles, et l'absence de récidive tumorale par des dosages réguliers (tous les 6 mois puis annuels) du taux de PSA.

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COMPLICATIONS

Pendant l'intervention et l'hospitalisation:

  - risque de plaie du rectum pendant l’intervention. Très rare, cette plaie est alors suturée pendant l’intervention. Elle peut exceptionnellement nécessiter la confection d’un anus artificiel provisoire pour permettre sa cicatrisation. 0,2 à 9 %.
- plaie d'un uretère qui sera alors réparé pendant l'intervention.
- hémorragie pendant l'intervention, parfois par plaie d’un gros vaisseau pelvien. Elle peut parfois être réparée par laparoscopie mais peut imposer une conversion. Elle nécessite rarement une transfusion. Le plus souvent si le saignement a été important, la prescription de fer accélérera la récupération d'un taux d'hémoglobine normal.
- hématome pelvien. Il va habituellement spontanément se résorber, mais important il pourra nécessiter une réintervention pour être évacué.
- syndrome de loge par un appui anormal et prolongé des muscles des membres inférieurs essentiellement, entraînant une compression musculaire puis un oedème de ces muscles dans leur gaine. Exceptionnellement, il peut être nécessaire d'inciser en urgence des gaines aponévrotiques pour éviter que cet oedème n'empêche la vascularisation de ces muscles et n'aboutisse en une nécrose de ceux-ci.
- infection urinaire. Elle est systématiquement recherchée une fois la sonde retirée et traitée par antibiotique si nécessaire.
- abcès de paroi sur les cicatrices. Il nécessite alors le plus souvent des soins locaux, parfois des antibiotiques et exceptionnellement une intervention pour être évacué.
- fistule urinaire par les drains aspiratifs: les drains et la sonde urinaire seront alors laissés plus longtemps, le vide des drains aspiratifs pourra être retiré pour faciliter la fermeture de la communication entre la suture et le drain et aider la cicatrisation de cette fistule.
- lymphorrhée: écoulement de lymphe par les drains aspiratifs. Cet écoulement doit être différencié un écoulement d'urine mais en pratique l'attitude sera voisine, à savoir le maintien du drainage. Une fois les drains retirés, peut se produire une collection de lymphe au niveau des curages ganglionnaires: il s'agit d'une lymphocèle. Cette collection nécessite rarement une réintervention pour être drainée, parfois une ponction sera suffisante lorsqu'un geste est nécessaire.
- douleurs des épaules par irritation du diaphragme, justifiant l’évacuation soigneuse du gaz en fin d’intervention.
- emphysème sous-cutané, rarement à préoccupant.
- éventrations sur un orifice de trocarts. Elles seront prévenues par la fermeture des aponévroses en fin d’intervention au niveau des gros trocarts.
- phlébite et embolie pulmonaire: 1 à 7 % Ce risque sera minimisé par la prescription d’anticoagulants à faible dose pendant l’hospitalisation et au retour à domicile et souvent la prescription de bas de contention qui seront mis en place dès l’intervention.
- infections nosocomiales: infections à certains germes, souvent résistants, contractées à l'hôpital. Ces infections peuvent intéresser le site opératoire, le reste de l'appareil urinaire, les poumons, les cathéters intra-veineux,… Le taux d'infection nosocomiale est globalement de l'ordre de 6 à 7 % tous services et toute pathologie confondue (enquête de prévalence sur une journée en 1996).
- comme pour tout acte chirurgical, certaines complications imprévisibles parfois mortelles peuvent s'observer tenant à des variations individuelles parfois imprévisibles, à l'âge, à la pathologie présentée. Lors de l'intervention un évènement ou des constatations imprévues pourront modifier le déroulement de l'intervention et faire envisager un ou plusieurs gestes non prévus initialement.

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Complications plus tardives:

 - une fois la pièce opératoire retirée, elle est examinée au microscope afin de vérifier les limites de la tumeur. Lorsqu'il existe un risque local de récidive du fait d'une extension au-delà de la capsule prostatique, un traitement complémentaire par radiothérapie, et parfois traitement hormonal peut être nécessaire. Le dosage régulier du PSA en post-opératoire et pour la surveillance est d'un grand intérêt pour vérifier la guérison: l’absence de cellules prostatiques doit le faire devenir indosable.
- risque de lymphocèle (collection de liquide lymphatique au niveau des ganglions prélevés de chaque côté du petit bassin). 1 à 6 %. Cette collection nécessite rarement une réintervention pour être drainée, parfois une ponction sera suffisante lorsqu'un geste est nécessaire.
- risque d'éventration au niveau d’un orifice de trocart. Une intervention peut alors être nécessaire.
- risque d’impuissance : lié à la proximité des nerfs érecteurs et de la prostate. La dissection chirurgicale peut les léser ou imposer leur sacrifice. Le risque d’impuissance est donc de l’ordre de 30 à 90 % et augmente avec l'âge des patients. La récupération de l'érection peut être tardive, plus d'un an après la prostatectomie. Différents protocoles tentent de préciser l'intérêt d'un traitement permettant d'accélérer cette récupération par des auto-injections intra-caverneuses précoces de prostaglandines.
- Il n'y a plus d'éjaculation possible mais par contre l'orgasme et donc la sensation de plaisir demeure, modifiée malgré tout par l'absence d'éjaculation.
- risque d’incontinence urinaire, fréquent dans les jours et semaines qui suivent l’intervention mais la récupération est complète dans les 6 mois qui suivent l’intervention chez 90 % des patients. Dans les cas d’incontinence persistante et importante, la mise en place d’un sphincter artificiel reste possible (environ 3 % des patients).
- risques plus tardifs de rétrécissement de l'urètre ou de l'anastomose entre vessie et urètre. Il peut être nécessaire d'intervenir par voie endoscopique pour inciser ce rétrécissement avec malgré tout un risque de voir apparaître ou réapparaître alors une incontinence d'urine.


     Une surveillance est donc nécessaire pour vérifier la cicatrisation pariétale, la récupération des fonctions sphinctériennes et sexuelles, l'absence de complications à distance de l'intervention et l'absence de récidive tumorale par des dosages réguliers (tous les 6 mois puis annuels) du taux de PSA.

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Docteur B. d'ACREMONT - Mise à jour le 29 décembre 2014